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Daphné et les moments parfaits, Julie Bonnie & Lisbeth Renardy, chez Hélium
À l’image de Daphné, le personnage qu’elles créent dans Daphné et les moments parfaits, paru chez Hélium le mois dernier, Julie Bonnie et Lisbeth Renardy ont mis dans leur sac de plage tout ce qu’il faut pour faire et défaire des histoires, au grès des accidents et des plaisirs du moment.
Le texte de Julie Bonnie est vif, le ton assuré. Daphné sait ce qu’elle veut, ce qu’elle ne veut pas. Elle construit ses jeux en démiurge lumineuse, emportant dans la danse ses jouets préférés : un vieil ours, une poupée un peu cassée, un bébé éléphant et - mon préféré - un portrait qu’elle a peint en rose. L’histoire file, tendue vers le désir de Daphné du moment parfait, tandis que les évènements la contraignent, la frustrent, la travaillent, lui font déployer ses ressources pour maintenir le rêve dans le réel. Imaginaire à plein régime.
Les bleus de Lisbeth Renardy sont profonds. Ses noirs sont francs et fins. Son inventivité graphique soutient la narration, et épaissit la lecture, change les points de vue, offrant des allers-retours et des mises en présence fiction/réel délirantes comme l’univers de Daphné peut l’être. Le drink/thé au coucher de soleil sur la baignoire/lac de waterfall avec tous les amis ravis, dont l’énorme chien Boogie, est, comme le dit Daphné, parfait. Les compositions des pages variées et cohérentes, savent jouer tantôt avec les proportions relatives, tantôt avec les séquences animées, pour donner encore plus à voir de la richesse intérieure du personnage. J’ai eu aussi beaucoup de plaisir à lire les séquences très réalistes de postures corporelles (dans la colère, la tristesse, pour ramasser un sac, pendant une chute…) : le corps de Daphné figure des danses quotidiennes entre gaucherie et grâce.
Un personnage épais que l’on veut découvrir (trois histoires ce n’est pas de trop), une énergie communicative et un rapport texte-image millimétré, font de cet album un ouvrage drôle et fin, très maitrisé, dans lequel j’ai pris plaisir à goûter les histoires de Daphné et à observer comment avec l’aide de Julie, Lisbeth, et Sophie, elles les élaborent.